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19 Février 2019
Bertina Mabiala porte un pagne bleu vif qui lui donne fière allure . Sur sa tête un grand foulard la protège du soleil qui frappe en ce milieu de journée . Assise à même le sol, sous un arbuste qui lui sert de lieu de repos dans son champ, elle sélectionne délicatement des semences de pommes de terre par petit calibre qu’elle se prépare à planter.
Pour Bertina, ce moment de sélection est très capital il permet de trier entre les plus petits calibres, qui donne un rendement moins élevé, mais avec des tubercules plus gros. Au moyens qui donne un rendement un peu plus élevé de tubercules un peu moins gros, mais disposant de réserves supérieures au petit calibre, plus vigoureux et moins sensible aux aléas du sol et du climat. Potentielles semences pour la prochaine saison culturale.
Elle déclare, « Je viens de recevoir ces semences 50kg de pommes de terres pour planter sur mon 1/2 hectare de champ d’une association, et ce sont des nouvelles méthodes de préparation de semences».
Mme Mabiala a 40 ans . Elle cultive des pommes de terre à Abala Ndolo, un village du département des Plateaux à environ 400km au nord de Brazzaville , la capitale du Congo. Abala Ndolo était connu comme la «capitale de la pomme de terre » grâce à son sol très favorable .
Pendant plusieurs années, Mme Mabiala comme d’autres agriculteurs du village a cultivé de la pomme de terre sans tenir compte du calibrage, et sans sélectionner des semences au préalable. A chaque récolte, la production était faible à cause du vieillissement de celle-ci. Avant les semences, elle pouvait avoir 650 à 700kg sur un demi hectare, avec les semences données par l’association, elle récolte 950 à 1150kg de pomme de terre pour la même superficie.
Elle a enregistré une baisse de production. En 2014 elle a perdu près de 500kg de pommes de terre. Elle explique : «A maintes reprises j’ai eu des pommes de terre pourries, lorsque j'ai fait recours au chef de secteur agricole, il m'a dit que c’est à cause de la variété de semences qui a vieilli et a dépassé la date de résistance par manque de traitement.».
Claire Ngandobi, une autre agricultrice avait les mêmes pratiques que Bertina Mabiala. Elle possède un champ d’un hectare dans le même village et a aussi subi des pertes pendant les récoltes. Pour y remédier, elle avait opté pour les cultures mixtes. «Sur un même champ, je plantais les ngapara (sorte de légumes), la patate, le manioc. De telle sorte que si une culture pourrit, je pourrais me rattraper avec d'autres. Je ne cultivais plus la pomme de terre à cause de la rareté des semences. Maintenant avec les semences que nous recevons j’espère que nous aurons de bonne production», espère-t-elle.
Martine Joëlle Gabio est la présidente du groupement « Jeunesse Onari » d'Abala Ndolo. Depuis 2013 elle donne gratuitement chaque chaque année à partir du mois de septembre 50kg de semences de pommes de terre aux agriculteurs et agricultrices de la région , aux OSC (organisations de la société civile) et groupements . En échange ils rendent 45kg de pommes de terre à la récolte.
Selon Mme Gabio une semence bien traitée va au-delà de 6 ans . Elle explique, « En partageant des semences, j’envisage voir émerger d’autres cultivatrices de pommes de terre et qu’ensemble on constitue un pole des producteurs et distributeurs de ce légume et inondé le marché congolais et pourquoi pas arriver à faire à ce que chaque congolais consomme des frites faite au Congo avec nos pommes de terre », une opération qu’elle mène 2013. Pour elle, « le premier objectif était la relance et la pérennisation de la culture de la pomme et le second est plus pénitencier ».
Les semences qu’elle distribue proviennent essentiellement de son champ de 75 buts écobuer, sur une surface de 2 hectares. Elle importe aussi des semences de la République Démocratique du Congo voisine qui sont résistantes aux maladies et du Cameroun également très résistantes aux maladies et adaptées au climat de Djambala.
Aujourd’hui avec les semences que Claire Ngandobi et Bertina Mabiala ont reçu, leur a permis d’avoir des champs spécialement de pomme de terre, ce qui n’était pas possible avant la réception des nouvelles semences où la tendance à des champs de cultures mixtes.
Cela fait près de 40 ans que les agriculteurs ne reçoivent presque plus de semences de pommes de terre . L'Office Congolais des Cultures Vivrières (OCV) qui s’en chargeait a été fermé et la distribution des semences se fait de façon épisodique.
Jean Pierre Kiénankié, président du groupement Espoir se souvient qu’à l'époque l'OCV surveillait les semences trois ans après. L’agence achetait toute la production de la pomme de terre, et faisait ensuite la répartition par catégorie avant de la partager aux agriculteurs pour la semence prochaine.
« Après le stockage dans les hangars et les chambres froides, ces semences étaient ramenées aux paysans après traitement. Aujourd’hui tout cela n'existe plus, le paysan est abandonné à lui-même, il n'y a pas de suivi, pas de marché, plus de semences», raconte M . Kiénankié, nostalgique et amer .
Alain Fernand Kébila Mayindou, de la direction départementale de l’agriculture du Plateaux, pense qu’au delà du problème de vieillissement des semences, responsable de la rareté de la pomme de terre dans le département de Djambala, il ya aussi le changement climatique. Il affirme que « sur neuf variétés de pommes de terre commandées par sa direction, à peine deux seulement avaient résisté au climat de Djambala ». Ce qui a même des incidence sur le cycle cultural . Il ajoute :«on cultive la pomme de terre deux fois par an. Le 1er cycle va de juillet à décembre et le 2ème de janvier à juin. La récolte intervient après 2 à 3 mois. Or, les cycles ont changé le 1e débute dorénavant en mai et le second en décembre.»
Le soutien aux agriculteurs se concentre désormais à l’encadrement sur les différentes maladies de la pomme de terre pour prévenir les maladies. Mais le stock de semences n’a pas été renouvelé depuis deux ans . Et pendant les mois d’octobre, les producteurs ne reçoivent plus rien du ministère de l'agriculture leur en pour les campagnes agricoles.
Marien Nzikou-Massala