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Des Informations, des Analyses, enquêtes et Reportages pour parler du quotidien des congolais et d'autres populations qui vivent au Congo-Brazzaville

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Congo Brazzaville: Les ravages du whisky local

 

À défaut de trouver un métier moins risqué pour leur santé, la plupart des jeunes de Madingou, au sud du Congo Brazzaville, deviennent distillateurs de whisky. En bout de chaîne, les consommateurs se détruisent, eux aussi, à petit feu.

 

Florence, 30 ans environ, prend un tuyau et transvase d'un fût à une bouteille un liquide très chaud. L’opération est délicate. "On ouvre ensuite le couvercle du fût. Une vapeur bizarre s’échappe alors ; elle provoque des maladies pulmonaires. Et, si le couvercle vous tombe dessus, vous êtes gravement brûlé", précise Lionel Mvouala, un distillateur de boganda, à Madingou, dans le département de la Bouenza, au sud du Congo.

Cet alcool local, obtenu par distillation d’un mélange fermenté de farine de manioc et de maïs, doit son nom au premier président centrafricain, Barthélemy Boganda. Dans les années 60, ses premiers distillateurs étaient en effet originaires de ce pays. Ils ont commencé à le fabriquer d’abord au nord du Congo, frontalier de leur pays d’origine, puis à Brazzaville. Certains sont ensuite arrivés à Madingou, où le manioc et le maïs poussent bien. Aujourd’hui, à Brazzaville, on ne distille presque plus, car l'approvisionnement en manioc et en maïs est difficile et coûteux.

Dans la Bouenza, tout le monde ou presque s’improvise distillateur. Quelques-uns ont même leur débit de boisson pour écouler directement leur production. Dans certains quartiers, chaque maison ou presque fabrique cet alcool. Des médecins de l'hôpital de Madingou estiment que cette activité est, après l’agriculture, la deuxième source de revenus des jeunes du coin, scolarisés ou non.

 

"Mieux vaut mourir que laisser ce travail"

Isidore, un distillateur, entend ainsi gagner de l'argent pour apprendre ensuite un autre métier : "Nous vendons l'alcool aux détaillants en dame-jeanne de 10 litres, qui eux l'écoulent en petits flacons (des bouteilles de sirop nettoyées, Ndlr) aux consommateurs. Avec cet argent, certains d’entre nous payent leur loyer ou construisent leur maison." Mais, les jeunes vont généralement vers ce travail faute de mieux… "Ici, l’absence d’emploi fait que même si tu es malade, tu ne peux pas t’arrêter. Nous avons des amis à qui les médecins ont défendu de préparer le boganda, mais ils sont obligés de continuer. Selon eux, mieux vaut mourir que laisser ce travail", assure encore Lionel.

Les ravages sur la santé s’observent aussi chez les consommateurs. Ce breuvage, dont la teneur en alcool dépasse 40°, finit par arriver dans d'autres régions (Pointe-Noire, Sibiti dans le Pool, Brazzaville). Les amateurs de boganda, couramment appelé par les Congolais de Brazzaville et de Kinshasa soupou na tolo (vomi sur la poitrine, en lingala), sont nombreux parmi ceux exercent des métiers physiques. Certains sont conscients des risques qu’ils prennent en l’absorbant, mais n'arrivent plus à s'en passer. "Souvent, j’en prends pour surmonter mes soucis. En réalité, rien ne change…", témoigne Serge.

 

Cirrhoses, ulcères, comportements sexuels à risques…

Le docteur Anicet Moussahou, médecin à l’hôpital de Makélékélé, à Brazzaville, détaille les conséquences désastreuses pour l’organisme : "Ces whiskies, forts en alcool, provoquent notamment des cirrhoses du foie, des ulcères et favorisent les comportements sexuels à risques. Certains consommateurs deviennent agressifs, d’autres carrément fous."

Début août, la mairie centrale de Brazzaville, le commissariat, le ministère de la Justice et celui de la Santé ont procédé à la fermeture d’usines qui fabriquaient des whiskies en sachet. "Un mois et demi après, leur consommation a baissé, mais il nous faudrait aussi surveiller le Beach, car c’est par là que le marché est ravitaillé clandestinement à partir de Kinshasa en RD Congo (autre lieu de fabrication, Ndlr)", fait remarquer le directeur de communication et des actions culturelles de la mairie de Brazzaville.

Aux yeux de Dieudonné Moussala, président de l’Association congolaise pour la défense des droits des consommateurs, cette fermeture n’est qu’un premier pas : "Avec nos jeunes, ce sont nos mains valides qui sont touchées. Cela a des incidences sur notre production et notre développement économique. Nos responsables doivent occuper notre jeunesse pour la détourner de la fabrique et de la consommation de cet alcool."

 

Marien Nzikou-Massala

 

 

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