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Des Informations, des Analyses, enquêtes et Reportages pour parler du quotidien des congolais et d'autres populations qui vivent au Congo-Brazzaville

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Brazzaville : «Soit je me prostitue, soit je meurs de faim !»

Le proxénétisme est devenu dans les quartiers chauds de Brazzaville une pratique florissante. Des filles âgées entre 14 et 19 ans, encouragées quelques fois par leurs parents ou conjoints, rêvent d’une ascension sociale optent pour la prostitution. Une situation alarmante qui prend de proportions inquiétantes et fragilise la jeune fille  au sein de la société.

« Je ne me prostitue pas, c’est un métier que j’exerce puis que cet argent m’aide à prendre soin de moi et des miens », se défend Carole, âgée de 17 ans et mère d’une fillette de deux ans.

Carole fait partie de ses jeunes filles prostitutions communément appelé « Ujana (jeunesse en swahili), un courant venu de la RDC, qualifiant des jeunes prostituées », qui exerce la prostitution dans les rues de Brazzaville.

Comme Carole, Soso, 16 ans, effrontée et sûre d’elle, ne se laisse pas facilement impressionner. Haute comme trois pommes, cigarette à la main, elle consomme avidement sa bière. «  Je n’ai pas choisi de faire ce métier, mais c’est la vie qui me l’a imposé», nous rétorque-t-elle sèchement. Un métier qu’elle exerce depuis trois ans après le décès de sa sœur ainée qui faisait office de sa mère.

Dans ce métier, si Soso se montre méfiante et parfois arrogante, c’est tout simplement une manière de se protéger assure une de ses amies. «Les gens nous jugent à tort. On nous traite de filles faciles, de putes, mais ils ne savent pas ce que nous endurons», confie Nina 22 ans, une autre « Ujana».

Pour Nina, « ce n’est pas un travail facile non plus. Quand je gagne un gros lot, je dépense sans compter car je dois me faire plaisir »,  raconte la jeune fille avec détachement.

Carole et sa bande sont jeunes et belles et vendent leurs charmes à des vils prix, histoire de se faire les poches mais surtout de survivre. N’ayant aucun scrupule, vu que la vie leur à montrer de toutes les couleurs, elles se vengent sur les habits, téléphone de marque et  accessoires pour paraître.

Pour certaines, abandonnées par la famille suite au décès d’un parent, d’autres par contre sont issues des parents démunis ne pouvant répondre aux besoins de leurs progénitures. La pauvreté, le rêve d’une ascension sociale, sont autant de raisons qui poussent ces filles à se prostituer.  Elles deviennent alors des proies faciles pour les proxénètes qui profitent la plupart du temps de leur naïveté pour les inciter à travailler pour eux moyennent une petite rétribution.

D’ailleurs l’un des proxénètes qui a requis l’anonymat a indiqué «  ce n’est pas du proxénétisme mais juste une entraide. Ce sont des filles qui ne savent pas où aller avec leurs clients, je leurs offre un espace et en contrepartie, elles me reversent quelque chose, c’est du business », a fait savoir, sans mettre de gant, le gérant d’un bar au quartier Kikouari.

Ya Léo, gestionnaire d’un bar dans le quartier Kisoundi,  quant à lui est passé du commerce de la boisson au proxénétisme, « mon business est simple je cède mon local à des jeunes filles et ces dernières me cèdent une partie de leur passe. Par ailleurs d’autres filles me sont confiées par leurs conjoints, l’essentiel pour moi est que je gagne ma part. Je ne leur exige rien »,  fait-t-il savoir.

Ces prétendues travailleuses l’appellent affectueusement Ya Léo, signe de respect et de fraternité. « C’est notre grand frère on se rend souvent des services »,  déclare Nina qui se considère plutôt comme une Escort-girl.

Même si ces dernières ne laissent rien transparaitre, mais leur accoutrement (minijupe, habit moulant souvent sans sous-vêtements, et leur maquillage en excès) les trahissent.  «Une fille normale n‘irait pas  dans un bar seul avec un pantalon à ras-les fesses, des percing sur les lèvres ou sur l’arcade sourcilière,  avec des tatouages sur le corps et  n’ingurgiterait pas à plusieurs reprises des rasades  de whisky  pour se donner de la contenance», a fait savoir Romain, artiste évoluant dans le quartier, qui signale avec regret que l’une de ses ancienne connaissance a rejoint les rangs des « Ujana » pour échapper à la pauvreté.

Quant à Stéphanie, d’apparence frêle et d’air timide, a intégré les rangs de la prostitution à Pointe-Noire. Un monde toujours pas rose puisqu’entre filles, jalousie, la concurrence et haine font bon ménage explique la jeune fille qui arrive à Brazzaville sur  les recommandations de sa cousine suite au décès de sa mère. « À la naissance de  ma fille,  ma mère qui me soutenait avec mes deux frères est morte. Du jour au lendemain on s’est retrouvé sans ressources. Il fallait bien que je me débrouille pour prendre soin de mes petits qui étaient pourtant chez mon oncle», relate Stéphanie, essuyant discrètement des larmes. Elle espère un jour sortir de ce cercle.

Lutter contre le "proxénétisme des quartiers"

Si au départ ce travail leur procure un peu de pécule et les permettent de se  prendre en charge, malheureusement aujourd’hui, il n’arrive pas de les sortir de la détresse. « Avec le temps, je me suis rendue compte que ce n’était pas possible de m’en sortir avec ce que je gagnais. Mais il était trop tard pour faire marche en arrière »,  raconte une « Ujana » qui travaille pour un certain Ya Jean,  qui se dit entremetteur. « Je gagne en moyenne  30.000 FCFA par jour grâce aux  quatre jeunes filles qui travaillent pour moi, à raison d’une dizaine de passes quotidiennes tarifées à 1000 une heure », explique Ya Jean.

«Vendre son corps » devient un phénomène banal, «même s’il est voilé le proxénétisme existe réellement dans notre société. Un phénomène qui prend des proportions inquiétantes vu que de plus en plus d’adolescentes y adhèrent malheureusement. Ce  n’est pas une pratique à minimiser », constate Joseph Mamingui, un sage du quartier Massina qui interpelle les autorités administratives et politiques afin de mettre fin à ce phénomène.

Pour le sociologue, Miabeto, «les pouvoirs publics devraient procéder à leur réinsertion en les initiant aux petits métiers. Une belle résolution qui ne pourra se faire qu’avec l’éradication de la pauvreté», suggère-t-il.

Annette Kouamba Matondo

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